L’obligation verte: homéopathie ou incantation ?

Auteur(s) :
Ivar Ekeland, Julien Lefournier

La réalité du réchauffement climatique n’est plus discutable. L’objectif de le limiter à 2°C à la fin du siècle a été clairement posé à la COP 21, et un rapport récent du GIEC montre même que, pour éviter des chocs majeurs et irréversibles à la biosphère, il faudrait le limiter à 1,5°C. Cela pose immédiatement la question du financement de la nécessaire transition écolo-énergétique.
La théorie économique montre que le taux d’actualisation à appliquer pour évaluer un investissement « vert » doit être significativement plus bas que pour un investissement « BAU » (business as usual). Dans ce contexte, nous sommes interpellés par les obligations « vertes ». La plupart des parties prenantes prétendent qu’elles assureraient le rendement du marché tout en finançant des projets « verts ». D’autres « observateurs » du marché prétendent qu’elles seraient plus chères pour ses acheteurs, moins chères pour ses émetteurs.
Nous montrons que la promesse « verte » liée à une telle obligation n’a pas de valeur juridique, et, sur un plan théorique, que son placement à des investisseurs professionnels quelconques, associé à l’existence d’un marché secondaire actif, ramène nécessairement son prix à celui d’une obligation classique, c’est-à-dire libérée de tout autre engagement que de payer les coupons en temps et en heure, et de rembourser le nominal à l’échéance finale. Sur le plan pratique, nous passons en revue le marché primaire et le marché secondaire, sans déceler de différence de prix entre les obligations « vertes » et classiques.

Comment se fait-il que deux produits financiers présentés comme différents soient traités de
manière identique par les marchés ? Nous pensons qu’il s’agit en réalité du même produit, en
dépit d’un discours politique et médiatique qui tend à accréditer l’idée d’une différence.
Notre conclusion est qu’il est pour le moins contestable que l’obligation « verte » contribue à la lutte contre le réchauffement climatique (contrairement à certains financements de projets ou autres investissements directs dans des projets verts), et que l’on peut se poser la question d’un greenwashing fonctionnel.