L’investissement responsable à la croisée des chemins : propositions pour dépasser le débat Union Européenne / États-Unis

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Auteur(s) :
Laurence Scialom

Position paper pour l’Observatoire de l’éthique publique

Ce Position Paper aborde la question de la tension entre les États-Unis et l’Europe concernant la finance durable, en particulier sur le reporting extra-financier et les notations ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Il insiste sur la différence entre la « simple matérialité », centrée sur l’impact financier des risques ESG sur l’entreprise, et la « double matérialité », qui prend également en compte l’impact de l’entreprise sur son environnement. Les réactions politiques américaines contre les critères ESG s’opposent aux efforts de l’Union européenne pour instaurer des normes plus strictes. Nous proposons enfin quelques pistes de réforme pour améliorer la qualité et la fiabilité des notations ESG.

La question de la transition écologique et sociale ébranle le monde de la finance via les débats souvent virulents sur le « reporting extra-financier » et les « notations extra financières ». Ceux-ci ont même quitté le monde technique de la finance pour s’inviter dans l’arène politique aux États-Unis, témoignant du caractère hautement politique de ces questions.

Ainsi, les républicains américains se sont lancés dans une violente bataille anti-ESG allant jusqu’à prôner le boycott des banques et des fonds d’investissement qui investissent selon des critères extra-financiers environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). La Virginie occidentale, État très lié à l’industrie charbonnière, le Texas et la Floride ont été à la pointe de ce mouvement anti-ESG qui pratique le « name and shame » à l’encontre des fonds d’investissement et autres intermédiaires financiers déployant des stratégies d’investissement ESG.

La violence des réactions politiques américaines peut surprendre, compte tenu du peu d’impact effectif des critères extra-financiers sur le réalignement des flux financiers sur une trajectoire compatible avec les engagements des États sur la neutralité carbone en 2050. Pourtant cette virulence a le mérite de lever le voile sur une réalité souvent ignorée : ces questions ne sont pas simplement techniques mais bien politiques, au sens où les réponses qu’on y apportent reflètent des conceptions très différentes et même opposées quant aux relations qu’entretient -ou doit entretenir à l’ère de l’anthropocène – le monde des affaires avec le monde social et surtout avec le climat, la biodiversité et plus généralement avec la nature.

De ce point de vue, le conflit de normes qui se joue notamment entre les États-Unis et l’Europe concernant la simple versus double matérialité en matière de reporting extra-financier est fondamental.

Mais de quoi parle-t-on ? Qu’est-ce que la simple versus double matérialité ou, selon d’autres termes consacrés, la « matérialité financière » versus la « matérialité de l’impact » ?