Il n’y a pas de signal prix !

Auteur(s) :
Ivar Ekeland, Wolfram Schlenker, Peter Tankov, Brian Wright

Titre du working paper : Optimal Exploration and Price Paths of a Non-renewable Commodity with Stochastic Discoveries

Faut-il s’inquiéter de la raréfaction des ressources non renouvelables, telles que les combustibles fossibles, pétrole, gaz et charbon, ou les minerais, tels que le cuivre, l’uranium et les terres rares ? Dès 1931, Hotelling étudiait la question et concluait que non: au fur et à mesure que l’on épuise les gisements, le prix de la ressource doit augmenter, et l’économie aura tout le temps de s’ajuster, en apprenant à s’en passer ou en trouvant des substituts. C’est ce qu’on appelle le signal-prix, dont la forme technique est que le prix doit monter, en moyenne, à un rythme exponentiel. Cette loi n’a jamais été vérifiée empiriquement, ce qui n’empêche pas que le modèle de Hotelling continue à être enseigné et serve de base à nombre de raisonnements théoriques.

Dans cet article, nous apportons une modification simple à ce modèle : au lieu de postuler que la ressource en question est répandue sur le sol et qu’il suffit de se baisser pour la ramasser, nous postulons qu’elle est cachée dans des gisements qu’il faut découvrir avant de l’exploiter. Cela introduit un élément aléatoire dans le problème : on ne sait pas où sont les gisements, mais on connaît la probabilité d’en découvrir un dans un endroit donné. Cette simple modification, qui ne suffit pas à rendre le modèle réaliste, mais qui le rapproche considérablement de la réalité par rapport au modèle de Hotelling, suffit à transformer les résultats. L’analyse mathématique démontre qu’il n’y a pas de signal-prix : au fur et à mesure que la ressource s’épuise, son prix ne manifeste guère de tendance à monter, en tout cas pas exponentiellement, et, ce qui est plus remarquable, le montant des réserves découvertes mais non encore exploitées augmente. Ce n’est que quand la ressource est totalement extraite, et se trouve donc stockée, que l’on se retrouve dans le modèle de Hotelling et que le prix croît exponentiellement. Tant qu’il reste de la ressource à trouver, le prix ne signale pas qu’on se rapproche de la fin, et les stocks augmentent ; ce qui entretient un optimisme totalement injustifié.